Une carrière dans la communication : entre peur et envie de liberté

(MARIE – INTRODUCTION) 

Bienvenue sur Maman Bosse, le podcast qui questionne les trajectoires professionnelles des mères. Je m’appelle Marie, j’ai créé cet espace de parole pour montrer la réalité de nos parcours et permettre à chacune de trouver sa façon de conjuguer travail et maternité. 

Avant de vous présenter mon invitée du jour, je prends quelques secondes pour vous inviter à soutenir Maman Bosse : si vous aimez ce projet, le moyen le plus simple et le plus rapide de le faire connaître, c’est d’en parler. Que ce soit à la sortie de l’école, autour de la machine à café, au bureau… je suis certaine que vous avez plein d’occasions de parler de Maman Bosse autour de vous. Alors n’hésitez pas à le faire et je vous en serai très reconnaissante ! 

 

Aujourd’hui, je reçois Paule qui travaille dans le domaine de la communication et de la publicité. Après un premier retour de congé maternité difficile, elle a tenu bon sur son poste en CDI en agence de com jusqu’à l’arrivée de son 2ème. À l’issue de ce 2ème congé maternité, elle a opté pour une rupture conventionnelle sans véritable projet mais avec une urgence : celle de se protéger. 

Dans cet épisode, on a parlé ensemble de l’instabilité financière, quand on est freelance, notamment pendant la crise du COVID. De l’envie d’avoir du temps pour soi et pas forcément pour ses enfants. Et du rapport au travail. 

Je vous laisse découvrir le parcours de Paule.

 

(MARIE) 

Bonjour, bienvenue à mon micro, je suis ravie de t’accueillir aujourd’hui. 

Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter : nous dire de qui tu es la maman, et dans quoi tu bosses ?

 

(PAULE) 

Enchantée, merci à toi.

Je m’appelle Paule, j’ai bientôt 42 ans et je suis la maman de Lucien qui a 9 ans et demi et de Louise, qui a 12 ans et demi. Et je bosse dans la communication, cet univers merveilleux connu pour… pour ses horaires à rallonge, ce qui est bien vrai. Voilà, c’est l’univers dans lequel je travaille depuis 17 ans maintenant, avec ses avantages et ses inconvénients… 

 

(MARIE) 

Alors si on revient 17 ans en arrière, justement toi au début, pourquoi tu as fait ce choix de carrière ? Qu’est-ce qui t’a intéressée, comment ça s’est passé au début pour toi, sur le plan professionnel ? 

 

(PAULE) 

Alors moi j’ai fait une école de commerce donc j’ai un parcours, j’ai des études assez classiques, on va dire. Quand je suis sortie de l’école, j’avais comme – je crois – beaucoup d’étudiants, des envies de marketing et de… et de grandes boîtes, ça me faisait très envie. Il s’avère que j’ai pas fait une école de commerce très… comment dire… Renommée. J’ai fait l’ESC Clermont qui est l’école de commerce de ma ville d’origine. 

J’ai commencé à travailler avec un CDD, ce qui est assez marrant parce que ça… Vraiment, j’ai fait beaucoup de CDD dans ma carrière, uniquement pour travailler et gagner ma vie et pouvoir me payer mon premier loyer. Et puis en fait, j’ai atterri dans la communication un peu par hasard. J’ai une de mes expériences qui a été un peu le pivot : j’ai travaillé il y a fort longtemps dans une agence d’illustrateurs et de rough men – les rough men c’est les gens qui font des story boards, notamment pour les agences de pub. Pendant cette expérience-là, j’ai été, bah, énormément en contact avec des gens d’agence et j’ai goûté à cette effervescence qui me plaisait beaucoup à l’époque – qui me plaît un peu moins maintenant, mais c’est un autre sujet – et je me suis dit : ”Bon bah moi j’aime quand ça bouge, j’aime quand ça remue” et j’ai eu envie de rentrer en agence. Et puis voilà, j’ai fait une première… une première agence qui m’a emmenée vers une autre, etc etc. 

Voilà comment s’est construit mon parcours au départ, un peu par hasard. 

 

(MARIE)

Sur le plan plus personnel, la question de la maternité est arrivée quand, dans ta carrière : à un moment où tu occupais justement un poste dans une agence ? Comment ça s’est passé ? 

 

(PAULE)

Ma première grossesse est arrivée vraiment un peu au pire moment : j’étais dans une agence qui avait été rachetée par un grand groupe. Au bout de quelques mois, j’ai été transférée d’agence. Ce transfert s’est fait, je l’ai vu comme une opportunité parce que ça me donnait la chance de rentrer dans une grande agence à laquelle je n’aurais peut-être pas eu accès. Une fois encore à cause – mais c’est pas grave – de mon école de commerce. Et donc accès à cette… à cette grande agence, très prestigieuse. Entre le moment où j’ai quitté la première et où je suis arrivée dans la 2nde, donc cette fameuse prestigieuse agence, je suis tombée enceinte. Ce qui était un souhait, hein, il y avait pas de… il y avait pas de souci là-dessus. Sauf que du coup je suis arrivée, et au bout de 1 mois et demi – 2 mois, j’ai dû annoncer à mon manager que j’étais enceinte. Bon, il a fait la gueule, hein, clairement et puis, bah voilà, j’arrivais j’étais la nouvelle et puis très vite les gens ont vu que mon ventre s’arrondissait. Bah ça a été hyper dur parce que je devais m’intégrer dans cette nouvelle entreprise, faire mes preuves, il y avait aussi des… des missions qui étaient nouvelles pour moi, donc qui demandaient de l’énergie. Et ça a été honnêtement très très dur. Après ce qui a… ce qui a été le plus dur finalement, c’est pas tant la grossesse que le retour de congé maternité où j’étais dans mon ouragan de nouvelle vie de fatigue, ma petite Louise à l’époque était à la crèche et elle était malade en permanence – comme souvent les bébés en crèche – puisque elle attrapait tout ce qui… tout ce qui passait. Elle faisait pas ses nuits, donc moi j’étais crevée et dès qu’elle était malade, bah une fois sur deux j’enchaînais derrière. J’ai… j’ai pris des réflexions comme quoi j’étais jamais là, qu’on pouvait pas me faire confiance… Bref, ça a été une vraie claque de me rendre compte que… bah c’était hyper dur de réussir à… À bien travailler quand on est crevée et qu’on a un bébé qui dort pas, quoi. 

 

(MARIE)

Et ce sujet-là – donc là tu parles de claque : j’en déduis que finalement c’est un sujet sur lequel t’avais pas tellement réfléchi ; est-ce que t’as eu des exemples autour de toi, en agence, de femmes qui avaient concilié les 2 ? Est-ce que, voilà c’est… c’est quelque chose vraiment qui t’a surprise à ton retour de congé maternité cette difficulté ? Ou alors tu y avais pensé avant ? 

 

(PAULE) 

Non, j’y avais pas du tout pensé. Puis je crois que, avant d’avoir son premier enfant, on… on fabule quelques trucs, mais on sait jamais trop ce qui nous attend. J’ai eu ma fille à 29 ans et à l’époque, j’étais chef de pub, donc j’étais… “petite gent”, en agence, et les gens qui étaient autour de moi, les femmes notamment, n’avaient – au même niveau de poste, je veux dire – n’avaient pas d’enfants. Donc j’avais pas d’exemple, et les femmes que je voyais qui était déjà mères, c’était des… des gens qui étaient pour moi des managers plus haut dans le… dans la hiérarchie, et qui avaient peut-être plus de possibilités – je l’ai un peu vécu comme ça à l’époque – plus de possibilités financières et qui avaient la possibilité de payer la nounou plus longtemps le soir pour garder leur enfant et pour pouvoir faire ces fameuses charrettes – journées à rallonge qui sont si symptomatiques de la communication. 

Dès que ma fille est rentrée à la crèche, j’avais une nounou du soir qui la récupérait et qui la gardait jusqu’à 19h, mais financièrement, c’était d’une part pas possible de la garder plus, et puis en fait moi je me suis toujours dit que j’avais pas fait un enfant pour ne pas le voir le soir. J’ai… j’ai vite senti cette espèce d’injustice entre ceux qui sont en bas de l’échelle et qui sont pas beaucoup payés et qui peuvent pas vraiment se permettre de faire plus. Et puis… et puis les managers. Mais ouais : vraie claque, ça a été hyper dur. Ces débuts de maman, bossant. J’en garde vraiment un très, très mauvais souvenir. 

 

(MARIE) 

Comment tu vas avancer ensuite dans ta carrière du coup, avec cette difficulté sur les horaires, la dimension financière évidemment, qui compte aussi ; est-ce que tu t’es dit : “va falloir que je change des choses” ou alors : “bah voilà j’ai pas le choix, il faut que je compose avec la situation telle qu’elle est” ?

 

(PAULE) 

J’ai tenu le coup jusqu’à ma 2ème grossesse en fait, donc après… après que ma fille ait un peu grandi, je te le disais tout à l’heure ; j’ai, j’ai… j’ai essuyé des réflexions, notamment en entretien d’évaluation, qui ont été assez durs. Pendant les mois… 1 ou 2 ans qui ont suivi, j’ai trimé comme une dingue, pour l’heure montrer… j’avais envie, vraiment, cette volonté de leur prouver que c’est pas parce que j’étais devenue maman que j’étais pas un aussi bon élément en tant que salariée. J’ai vraiment fait tout ce qu’on me demandait, les horaires, les… J’ai tout donné. 

Et puis je suis tombée enceinte de mon 2ème enfant et là il y a un vrai changement dans ma vision des choses. J’ai été arrêtée à 5 mois de grossesse, parce que mon Lucien – à l’époque il était dans mon ventre – on s’est rendu compte à la 2ème échographie qu’il était trop petit. Il y avait rien de grave, mais vraiment il était… il était riquiqui et puis très rapidement quand l’échographe m’a demandé dans quoi je travaillais et que je lui ai dit : “la pub” il m’a dit : “hop hop, hop OK, je vois le genre, il faut vous reposer Madame !” Donc j’ai été d’abord arrêtée un mois et puis en fait j’ai été arrêtée jusqu’à la fin de ma grossesse. Et quand s’est posée la question que je revienne après mon congé maternité – ce qui était… ce qui était mon souhait, vraiment – je me suis rendu compte qu’on me mettait un peu au placard. J’ai demandé sur quels clients j’allais remonter, on m’a dit : “Oh, on va voir, machin…” 

J’ai pas eu envie d’y retourner, je me suis dit que j’y arriverais pas, en fait, et j’ai demandé une rupture conventionnelle, qu’on m’a accordée, et je suis partie.

 

(MARIE)

Forte de ta première expérience de départ et surtout de retour de congé maternité la 1ère fois, est-ce que pour cette 2ème grossesse t’as appréhendé les choses différemment, est-ce que tu l’as préparée cette reprise ? 

 

(PAULE)

Je l’avais pas particulièrement beaucoup, beaucoup plus préparée, dans le sens où j’avais pas de solution différente que pour le premier retour, c’est-à-dire que j’avais eu la chance inouïe d’avoir également une place en crèche. Donc ça, j’étais hyper sereine sur le retour au boulot, c’est hyper précieux. J’avais toujours pas trop de backup de famille autour, donc je savais que les maladies etc allaient être toujours compliquées à… à gérer. Je m’étais pas préparée différemment. La… la seule différence, c’est que je savais à quoi m’attendre. Mais c’est justement parce que je savais à quoi m’attendre, et que je savais que ça avait été très dur, que j’ai préféré partir parce que je me suis dit que on allait me… m’en faire baver et que physiquement et mentalement, j’étais pas prête à remettre le couvert. Honnêtement, je… j’ai jamais regretté d’être partie. 

 

(MARIE) 

Et en quittant cet emploi salarié, c’était quoi ton… ton projet ? 

 

(PAULE)

A la base, je n’avais aucun projet. Je savais pas. Je savais juste qu’il fallait que je me protège et que je pouvais pas y retourner, que j’y arriverais pas. 

J’ai eu cette rupture conventionnelle en une journée, accordée. En vrai, ça m’a… ça m’a fichu une vraie baffe. 

J’ai fait une petite dépression après, j’avais l’impression d’être vraiment nulle et que le fait d’avoir des enfants m’empêcherait au final de… de m’épanouir professionnellement. Parce que il y avait cette vision de la… Voilà, j’avais 2 enfants à 32 ans, et vraiment dans la comm’ c’est dur quoi. Je sais qu’il y a beaucoup d’univers, il y a pas que la comm’, qui sont compliqués, mais ça en est vraiment un qui est pas open à la vie perso. Et même 10 ans plus tard, ça l’est pas beaucoup plus. 

Donc j’avais pas de projet, j’ai fait ma petite dépression tranquillement, je me suis remise, heureusement, hyper bien entourée – j’ai un conjoint en or. Et puis bah j’ai… ça a été un vrai tournant dans ma vie parce que depuis que j’ai quitté cette entreprise il y a 10 ans, j’ai plus jamais été en CDI. J’ai une frousse du CDI, j’ai… je veux pas me retrouver là-dedans, dans les entretiens d’évaluation… Ça me… Vraiment, ça me rend… ça me rend dingue, quoi, ça me fait peur… Bref.

Donc, à l’époque, j’ai monté une agence avec une amie à l’époque. Ça a duré 2 ans, l’agence a pas pris, je suis passée à autre chose, c’est pas grave et depuis j’ai fait, bah, plein plein plein de CDD, je… je n’acceptais que des CDD. Et à force de CDD, bah je suis devenue freelance, ça s’est fait assez naturellement et donc je suis free depuis 4 ans maintenant à peu près. Alors on va pas se mentir, le contexte COVID a été très dur à gérer. J’ai pas beaucoup bossé pendant ces 2 ans de COVID, financièrement ça a été ultra compliqué. Malgré tout, passer de… d’entreprise à entreprise me convient bien. J’aime ce changement et surtout j’aime ne pas m’encombrer l’esprit des aspects négatifs d’une boîte. 

 

(MARIE) 

Est-ce que finalement le… voilà, le fait de pas être salariée, la dimension financière qui va avec, de créer une boîte puis d’être freelance, c’est quelque chose que t’as trouvé extrêmement difficile ou alors que t’as réussi à gérer ? 

 

(PAULE) 

C’est l’aspect le plus compliqué quand on a plus de stabilité professionnelle. Alors j’ai toujours fait en sorte de l’assumer parce que c’était un choix, personne ne m’a forcée, mais tu rentres alors donc dans une instabilité financière, c’est-à-dire qu’il y a une période où tu travailles… En plus en free-lance c’est vraiment intensifié par rapport à, même à des CDD, parce qu’en freelance tu es sur le papier mieux payée, mais après tu peux ne pas travailler pendant 2 semaines, un mois, 2 mois voire plus. Donc il y a une gestion de l’argent qui est vraiment très présente, ce qui n’est pas mon point fort. C’est compliqué, mais l’aspect le plus compliqué pour moi, quand t’es freelance, c’est… c’est pas tant ça que le côté : “tu passes ta vie à passer des entretiens” en fait, et à parler de toi et à te vendre. Je dois avouer que je commence à fatiguer un peu. 

 

(MARIE) 

Est-ce que par rapport à tes enfants, à ton organisation personnelle, ta disponibilité… Enfin, d’être freelance, tu trouves ça plus simple ? 

 

(PAULE)

Ah, plus simple, je suis pas sûre au final. En revanche, c’est super d’avoir des périodes où tu travailles pas parce que tu peux t’occuper pendant ce temps-là : soit faire des choses pour toi – ce qui est chouette – soit quand ça arrive pendant les vacances, bah c’est précieux parce que ça me permet de plus m’occuper de mes enfants. Après, ce qui est compliqué à gérer aussi bien pour eux que pour moi, c’est que j’alterne des périodes où je suis 100% disponible à des périodes par exemple, comme en ce moment où je le suis plus du tout. Là, je suis dans une mission où je travaille comme une dingue. J’ai travaillé plus de 50h la semaine dernière, donc tu vois à fond la caisse et donc, bah, je suis pas dispo pour faire un gâteau, pour accompagner pour les sorties scolaires, ou même pendant les vacances. Malgré tout, ce qui est chouette dans ma situation, c’est que mes enfants ne sont plus tout petits. Ils vont avoir 10 et 13 ans, ils peuvent faire plein plein de choses tout seuls, comme notamment s’occuper. Et ils ont pas besoin de moi pour aller se doucher, aux toilettes ou je sais pas quoi, donc c’est plus facile, j’aurais pas pu faire ça quand ils étaient plus petits. 

 

(MARIE)

Tu perçois vraiment une différence en fonction de l’âge de tes enfants, sur ton statut salariée / freelance ? Pour toi c’est des choses qui ont… qui ont évolué au cours de ces 10 dernières années ? 

 

(PAULE) 

Ouais clairement, clairement. De toute façon le fait qu’ils grandissent, forcément… alors j’allais dire “je suis plus sereine” : pas sur tout, hein. On sait très bien que quand les enfants grandissent, c’est pas simple sur certains points. On gagne pas toujours au change. Non mais… ouais le fait qu’ils soient plus grands c’est… c’est beaucoup plus facile à gérer.

 

(MARIE)

Moi, en fait, j’ai découvert ton compte Instagram, sur lequel tu parles un peu de ton boulot, un peu de ta vie de maman mais pas que : t’as plein d’autres loisirs à côté et tu as un compte Instagram sur lequel tu es assez active. Comment ça s’est passé, le développement de ce compte Instagram : est-ce que, au départ, c’était pour faire connaître ton activité de freelance, ou est-ce que c’est une activité parallèle ? Comment t’as développé ce projet-là, et pourquuoi ? 

 

(PAULE)

Mon compte Instagram n’a aucun lien avec mon activité de freelance, j’en parle très très peu d’ailleurs : mon boulot j’en parle grosso modo quand je suis un peu au bout du rouleau et que j’ai besoin d’aide et que je demande un petit coup de main – genre “si vous entendez parler de quelque chose…” voilà. Mais je suis très, très mal à l’aise avec ça de toute façon. Mon compte, il existe depuis longtemps, mais à la base, je suis blogueuse. Moi j’ai lancé un un blog il y a quasiment 11 ans maintenant qui s’appelait by Paulette – qui s’appelle toujours by Paulette – qui est beaucoup moins mis à jour mais… mais qui le reste. Et puis du coup, de blog je suis passée à compte Instagram – comme beaucoup de blogueuses – et voilà, et ça s’est fait très naturellement. Sur le blog à la base, je ne parlais que de mes enfants, ça a commencé comme ça sur mon compte Instagram aussi : je ne parlais que de mes enfants. Et puis j’ai fait le choix – ça s’est pas fait forcément naturellement, hein, je me le suis imposé,  à un moment – de parler moins de mes enfants parce que je me rendais compte que ils grandissaient et je voulais – parce que je les ai beaucoup exposés à une… à un moment donné – je voulais arrêter de faire ça parce que je voulais – ma fille rentrant au collège notamment – je voulais pas que des copains aient accès à des photos où elle pouvait être… J’ai jamais posté de photo où ils étaient dans des situations… j’allais dire dégradantes, mais je voulais pas qu’il y ait de photos qui puissent l’embêter. Donc mes enfants ont vraiment pris… Je les montre toujours mais très peu, et c’est – entre guillemets – “moi” qui ai pris le plus de place là-dessus. Et ça me va très bien. 

 

(MARIE) 

Pourquoi avoir lancé ce projet de compte Instagram, ce blog en fait au départ sur la maternité ? Pourquoi t’as eu envie, besoin peut-être, de t’exprimer sur ce sujet-là ? 

 

(PAULE)

C’est assez marrant parce que mon blog il… il est parti d’un… de pas grand-chose à l’époque ; j’étais même pas enceinte de Lucien quand je l’ai lancé, donc je n’avais que Louise, et moi j’ai toujours aimé fouiller, découvrir des petites marques, ça m’a toujours beaucoup plu. Et beaucoup de gens, autour de moi, des copines, me demandaient des idées de cadeaux de naissance, en me disant : “ah, Paule, t’as toujours des supers idées : tu peux m’aider ?” Bon, j’en avais un petit peu marre qu’on me pose toujours la même question parce qu’en vrai ça me prenait du temps et que je suis quelqu’un qui ne sait pas dire non. Donc je disais toujours : “OK, je vais te faire une petite sélection”, etc. Et puis je me suis dit : “Bah, je vais regrouper tout ce que j’aime sur un blog, comme ça quand on me posera la question, je pourrai dire : “Bah regarde sur le blog” et… et ça sera plus simple. Donc au début c’était vraiment un blog, un peu… j’allais dire “journalistique” où je ne parlais pas de moi, ni de mes enfants. De toute façon, il y avait que Louise. Et puis Lucien est arrivé. J’ai été donc au chômage après ma rupture conventionnelle, donc j’ai eu plus de temps et donc j’ai commencé à parler de mes enfants. Et ça m’a plu, d’avoir quelque chose de plus personnel, et puis voilà, ça c’est fait naturellement 

 

(MARIE) 

Peut-être qu’on fasse un focus justement sur ces 2-3 dernières années, tu l’as évoqué qui ont été extrêmement compliquées : est-ce que ça t’embêterait de revenir pour nous sur… sur cet épisode-là ? Et est-ce que cette phase, compliquée, ça a finalement changé peut-être tes perspectives de carrière : est-ce que tu t’es dit : “Il faut que je trouve une autre piste pour avancer parce que là c’est difficile.” ? 

 

(PAULE)

Ouais, vraiment COVID, ça a été… ça a été très très dur ; j’ai très très peu travaillé en 2 ans comme je te le disais. Et à un moment, financièrement, j’étais complètement prise à la gorge. Dieu merci, il y a eu les aides de l’État, ça m’a vraiment sauvée. J’en ai très peu parlé sur mon compte insta parce que je… je me rends bien compte que c’est, comment dire… moi, ce que je montre sur mon compte insta et… c’est la vérité,  et j’ai vraiment conscience d’avoir énormément de chance ; je… je vis en banlieue, j’ai une très jolie maison, tout va bien dans ma vie, hein, je suis en bonne santé, mes enfants aussi, mon conjoint aussi. Donc sur le papier, j’ai pas vraiment le droit de me plaindre. 

Mais malgré tout quand tu vis des aides de l’État à 1500€ par mois et ben ça me suffit pas pour vivre, tu vois, c’est… c’est pas possible donc ouais, non ça a été vraiment dur et je… j’ai eu des moments où je faisais un peu l’autruche, où j’me… C’est une période où j’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup cousu, parce que les loisirs créatifs – et la couture notamment – me permettent de ne pas penser au négatif, donc ça me fait du bien à l’esprit mais malgré tout, je me suis rendu compte que c’était pas viable, donc il y a une période où je me suis remise à chercher CDD ou même CDI alors que je m’étais toujours dit que je voulais plus de ça. 

J’ai passé des entretiens et puis finalement, j’ai une mission qui est arrivée, donc j’ai sauté sur la mission. Donc je recule un peu ce… ce moment où probablement je vais devoir reprendre un CDI. Mais ouais, aujourd’hui, après 2 ans de crise sanitaire et seulement 3 missions en 2 ans, je… je fatigue, je te le disais tout à l’heure, tu vois. Combien d’entretiens j’ai passés en 2 ans ? Je sais même pas, je pense entre 20 et 30. Pour 3 missions. Et puis le fait est que j’ai besoin un peu de stabilité financière aussi parce que je me marie dans quelques mois et que tout ça, ça coûte des sous et… Ça me fait très peur mais… mais oui je pense que je vais reprendre un CDI à un moment. 

 

(MARIE) 

Est-ce que justement le fait d’avoir moins travaillé depuis 2 ans à cause de la crise, finalement – t’as été peut-être plus disponible pour tes enfants : est-ce que l’angoisse professionnelle a pris le pas, finalement, sur le plaisir personnel d’être plus disponible pour tes enfants ? 

 

(PAULE)

J’ai été très disponible, mais en vrai j’ai toujours été assez disponible. Parce que depuis 10 ans, comme j’enchaîne les CDD, ou ensuite des moments de freelance : tous ces moments dispos je les ai toujours beaucoup alloués à mes enfants. C’est… c’est central pour moi dans ma vie de maman, je veux leur faire faire… Découvrir Paris ou d’autres endroits, je veux qu’ils se nourrissent, je… Vraiment, c’est… ouais, c’est central. J’ai jamais souhaité privilégier ma carrière, ce qui est pas grave, hein, je suis pas quelqu’un de hyper ambitieux d’autre part ; j’ai jamais cherché à gagner toujours plus d’argent en montant les échelons. Moi, je veux que ma vie de famille soit réussie.  

Maintenant que je t’ai dit ça, oui, bien sûr, j’ai passé beaucoup de temps avec mes enfants en 2 ans, mais une fois encore, parce qu’ils grandissent aussi, ils ont moins besoin de moi. Ce qui a vraiment changé avec ce temps disponible, c’est : moi, ma vision de moi en tant que femme. Le temps disponible que j’ai eu, je l’ai mis au service de mon esprit aussi pour être plus zen et j’ai… j’ai toujours fait beaucoup de choses de mes mains, mais j’ai énormément cousu en 2 ans et je me suis mise au tricot et et j’ai brodé. J’ai fait un peu tout ce qui me passait sous la main. Un peu comme une espèce de boulimie de… de loisirs créatifs. Et je me suis rendu compte – c’est vraiment mon bilan de cette crise sanitaire – que j’aimais travailler, j’en ai besoin, je suis pas faite pour être tout le temps à la maison. Financièrement, de toute façon, ça…ça ne serait pas possible, mais c’est même pas tant le problème. Moi j’aime avoir des réunions, j’aime les moments de stress. Donc je râle quand je suis stressée, je râle quand j’ai pas assez de boulot… Je suis quelqu’un qui râle, globalement, un peu…un peu tout le temps. Mais j’aime tout ça. Mais : j’ai besoin de mes bulles d’air et de mes bulles d’air en particulier créatives, pas pour ma famille, juste pour moi. Et donc, avec ce truc-là en tête de me dire qu’à un moment j’aimerais quand même arrêter de passer des entretiens et de changer tout le temps d’entreprise et donc de trouver un CDI, moi, mon but ultime – et je ne sais vraiment pas si je vais y arriver, on s’en reparlera peut-être dans quelques mois : j’aimerais trouver une entreprise qui soit d’accord pour que je ne travaille que 4 jours par semaine pour avoir ma bulle d’air créative au milieu d’une semaine et m’épanouir pleinement. Bon, je pense que c’est pas gagné. Tu vois, j’ai passé un entretien il y a 2 ou 3 semaines où… (pour un CDI) où je demandais à la personne avec qui j’échangeais si c’était quelque chose qui était envisageable pour l’entreprise. La personne m’a répondu : “Ah oui, c’est un problème qu’on risque d’avoir beaucoup dans le… dans le futur.” Et puis elle s’est reprise en disant : “non pas un problème, mais une demande”. Et tu vois, je me suis dit : “mais il y a encore du boulot à faire, quoi”.  

 

(MARIE)

Cette crise ça a été l’occasion aussi peut-être de faire le point sur ses envies, ce qu’on avait… ce dont on avait besoin, ce qu’on voulait plus, etc. Enfin voilà aujourd’hui t’as l’air d’être très au clair, finalement, sur la façon de travailler… que tu souhaites.

 

(PAULE) 

Je suis très au clair, mais tu sais, quand je lis un peu des articles sur ce sujet-là, parce qu’on en parle quand même de plus en plus, je me rends compte que ce qui ressort c’est que c’est beaucoup… On parle beaucoup des… des plus jeunes qui ont envie de ça. On dit des jeunes aujourd’hui : ils veulent du temps pour eux, ils veulent pouvoir faire du télétravail pour travailler au bord de la mer et puis quand ils ont fini leur journée, ils vont, quoi, faire du surf ou du sport ou autre chose, ou voir leurs potes. Mais en vrai, on parle beaucoup moins des quarantenaires, ou plus ; en plus, quand une femme de mon âge parle de ça, d’une demande du coup de ne pas travailler à plein temps – puisque 4 jours par semaine c’est pas du plein temps – on associe ça tout de suite à la maternité. On se dit : ”tiens, elle veut du temps pour ses enfants”, mais non, pas du tout, les cocos. Moi je veux pas du temps pour mes gosses, je veux du temps pour moi. Ce que je veux te dire par là, c’est que… il y a pas que les jeunes qui sont… qui ont envie de ça aujourd’hui, c’est bien plus large, c’est tout le monde. Enfin, beaucoup de gens en ont envie et… et voilà. 

 

(MARIE)

Est-ce que tu crois que l’évolution de ces modalités de travail – le fait d’être sur 4 jours ou, voilà, de réduire son temps de travail – dans le secteur ou le domaine d’activité qui est le tien où, tu nous disais, les journées et les semaines sont à rallonge, c’est quelque chose qui évolue, où les lignes bougent un peu ? Ou alors c’est un domaine où c’est quand même extrêmement compliqué, toujours, notamment sur les horaires ? 

 

(PAULE)

C’est un domaine qui est compliqué et je pense que c’est le cas dans toute entreprise qui est prestataire de service, c’est-à-dire que quand tu travailles en agence t’as des clients, et un client il s’arrête pas en se disant : “Ah bah Paule elle travaille pas aujourd’hui, je vais attendre demain”. On est dans une société où tout doit aller très vite, de plus en plus vite, et les agences, comme d’autres… d’autres secteurs – je sais pas si c’est de la peur ou… – sont pas prêts à expliquer au client que ça peut attendre une journée. Voilà, après moi je pense… Je sais pas, peut-être que c’est utopique mais je crois pas, que tout est une question d’organisation et d’anticipation. Moi j’ai toujours expliqué à mes clients, parfois c’est… En étant freelance, parfois on ne me fait pas travailler à temps plein parce que c’est une demande du client. Ils ont besoin que de quelqu’un 2 ou 3 jours par semaine. Et la crainte, c’est souvent de se dire : “comment on va faire les jours où t’es pas là ?” Ben moi, je suis quelqu’un de pro, même si je suis pas là, je regarde mes mails 2-3 fois par jour. Si un client m’appelle, je lui réponds quand même, hein, je veux pas dire : “Ah bah je travaille pas, je lui réponds pas.” Quand il m’est arrivé de travailler à mi-temps, je crois que mes clients ne l’ont jamais su en fait. Tu sais, c’est juste fixer les réunions les bons jours, proposer des retours sur des présentations les bons jours aussi. Et si t’es pro, si ton truc il est cadré, ça passe, quoi. 

Mais bon c’est pas tant le problème des clients, que le problème des… des agences et des dirigeants, ouais, qui… qui ont peur. Mais il suffit – il suffirait juste – d’essayer, tu vois, pour que des gens comme moi leur prouvent que c’est possible.

 

(MARIE) 

Est-ce que toi justement, par rapport à… à ces difficultés que tu as pu connaître en tant que salariée ou en tant que freelance, sur le plan professionnel ou autre, à un moment t’as envisagé de changer de métier, de faire complètement autre chose, de travailler dans un autre domaine ? Est-ce que c’est des questions que tu t’es posées ? 

 

(PAULE)

C’est les questions que je me pose depuis 10 ans. Enfin une question. Ouais ouais bien sûr je me la pose sans cesse, mais comme j’ai déjà été entrepreneuse il y a 9 ans maintenant et que ça s’est soldé par un échec – alors je dis “échec” mais c’est pas grave, je suis hyper fière de l’avoir fait – mais bon, j’ai quand même les chocottes de réessayer. Mais ouais, ouais, en fait, j’en ai un peu marre de tout ça. Je le dis parfois là, les réunions à 19h et les journées… La semaine dernière, il y a une journée où j’ai… j’ai travaillé jusqu’à 23h30 parce qu’il y avait une urgence, il fallait la traiter, tu vois, c’était important. Et en fait je disais “je suis trop vieille pour ces conneries”. Je le pense fondamentalement, hein, j’en ai ras-le-bol de tout ça et en même temps… Alors en même temps, j’aime mon métier, je te le disais tout à l’heure, et c’est toujours le cas : j’aime l’adrénaline que ça procure ; j’aime… j’aime trouver des solutions quand il y a des problèmes, ça me plaît. Mais c’est ce qu’il y a tout autour qui me… qui me fatigue, tous ces horaires, là. C’est pas une vie de bosser 50h par semaine, tu vois ; donc ouais, non en vrai j’aimerais… j’aimerais changer de métier mais c’est pas encore assez mûr dans ma tête. Je sais pas, je vais d’abord me marier en octobre et puis on verra peut-être en 2023. Je sais pas, peut-être que le mariage va me rendre plus raisonnable et plus réfléchie et m’aidera à prendre les bonnes décisions. Pour l’instant je joue un peu la sécurité en faisant le métier que je sais faire. 

 

(MARIE) 

C’est marrant parce que t’as évoqué ton aventure entrepreneuriale en disant que t’avais un peu les chocottes de recommencer. Toi tu fais une différence entre le fait d’être entrepreneur et le fait d’être freelance ?

 

(PAULE)

Ouais ouais ouais; ben ouais, parce que quand t’es freelance, tu travailles pour d’autres entreprises et c’est leurs clients à eux, c’est… c’est leur structure à eux, et toi, tu n’es que… un prestataire de services. Quand t’es entrepreneuse, c’est toi la boss. Ça change quand même considérablement la chose. Alors, après, les 2 statuts sont pour moi malgré tout – sans m’envoyer des fleurs, mais… – les 2 restent très audacieux. Il faut quand même avoir, je pense, une petite dose de folie, pour quitter le monde du… du salariat. Mais non, entrepreneur, c’est autre chose, hein. Puis t’as toute la paperasse, toute la compta à suivre. Alors que freelance, toute cette partie-là, est très, très simple à gérer. 

 

(MARIE)

Quand t’es freelance, t’es quand même aussi ton boss, c’est-à-dire que c’est à toi de vendre tes services, tes prestations : ça c’est quelque chose aujourd’hui qui te prend encore beaucoup de temps, d’énergie ou alors est-ce que, avec ton expérience, ça, c’est simple ?

 

(PAULE) 

Ce qui me prend du temps, c’est de rester active sur les réseaux. Enfin, c’est sur LinkedIn, en particulier, hein, pour me rendre visible, parce que c’est beaucoup là qu’on vient me… qu’on cherche et qu’on me trouve. Ce qui prend du temps, c’est les entretiens. Tu vois, j’ai un… J’avais un entretien prévu vendredi, il a été décalé à lundi. J’ai essayé de caler ça entre 2 réunions, toujours un peu la… un peu compliqué quand je travaille, mais après, c’est sûr que je suis rodée de l’entretien, je connais mon discours, j’ai plus besoin de préparer tout ça et voilà. Et puis après, il y a toute la partie paperasse, facturation etc. Mais une fois encore, c’est pas grand chose quand t’es auto-entrepreneur. 

 

(MARIE)

Et dans ce que tu veux transmettre à tes enfants, ce sujet-là du… du travail, du rapport au travail, à ce qu’on aime faire, à l’argent qu’on gagne, aux horaires qu’on fait, etc : c’est des choses sur lesquelles tu te questionnes ? Ou est-ce qu’ils sont trop petits et…? 

 

()PAULE

Alors, ils sont encore un peu petits, même s’ils le sont plus tant que ça. Mais ouais, ouais, avec mon conjoint on est très alignés même si mon conjoint, donc, c’est la stabilité : lui, ça fait 20 ans qu’il est dans la même entreprise. Il a commencé dans cette entreprise-là, il y est toujours, donc lui c’est… ouais, lui, c’est la ligne droite et moi je suis les montagnes russes, donc c’est assez rigolo parce que on est complètement à l’opposé lui et moi, malgré tout on a la même vision et on dit à nos enfants que c’est primordial de faire un travail qu’on aime, que malgré tout… Tu vois mon fils nous dit souvent – et c’est très chouette, je suis très fière qu’il puisse dire ça – qu’il aimerait être animateur au centre de loisirs ; et c’est super parce que c’est un métier qui est… où tu partages énormément. Après, on lui dit : “tu sais quoi, mon grand ? Tu feras ce que tu voudras. Après, il faut bien que t’aies en tête que, être animateur au centre de loisirs, pour le coup c’est un travail qui est… qui est pas à temps plein, pour lequel tu gagneras pas forcément beaucoup de sous, donc si tu fais ce choix-là pas de problème, mais il faut aussi que t’aies conscience…” Tu vois, il faut leur expliquer aux gosses que, bah, qu’un animateur de centre de loisirs, bah ça gagne pas autant que… qu’un autre métier, j’allais dire “médecin” mais c’est très bateau comme… on s’en fiche tu vois. Mais en tout cas il faut qu’ils… Il faut qu’ils comprennent l’incidence de leur choix professionnel sur leur vie future. 

Y a un truc qui est hyper important pour moi – j’espère leur transmettre, mais de façon un peu… pas directe en leur parlant, mais avec ce qu’ils peuvent voir – c’est quelque chose que j’ai pas du tout eu dans mon éducation – c’était pas forcément l’époque non plus – de la valorisation de ce qu’on peut faire avec ses mains. Moi, on m’a jamais trop poussée vers un… – on m’a jamais poussée, d’ailleurs, du tout – sur un métier manuel, parce que dans ma famille, c’était pas des métiers qui étaient reconnus. Aujourd’hui, moi je veux que mes enfants ils se rendent compte que coudre, ou tricoter, ou machin, que ça peut rendre heureux. Alors, pour moi, ce n’est qu’une passion, ce n’est pas un métier. Je veux qu’ils comprennent que ce qu’on crée avec ses mains, ça a autant de valeur que ce qu’on crée avec son esprit, leur faire prendre conscience de ça. Et tout ça pour te dire qu’on met en avant l’intelligence en permanence, il faut que nos enfants aient des très bonnes notes au bac, Il faut que… “Voilà, moi mon enfant. Il a tant de moyenne, c’est la classe !” Alors oui, moi j’ai envie que mes enfants réussissent, mais j’ai surtout envie qu’ils réussissent pour se donner les possibilités de choisir ce qu’ils voudront faire. J’ai pas envie qu’ils réussissent, juste pour fanfaronner auprès des gens qui m’entourent en disant : ”Waouh, il a une super moyenne et en plus il est dans le privé.” Non, ça, ça m’intéresse pas. Moi j’ai juste envie qu’ils soient heureux en fait. 

 

(MARIE) 

Est-ce que le fait de retourner à un emploi salarié, un CDI, dans les mois ou les années qui viennent, motivé notamment pour les questions financières comme tu nous l’as expliqué, est-ce que pour toi ça serait un échec ? 

 

(PAULE)

Oh, elle est dure cette question ! Je vais être hyper sincère avec toi : ouais ça serait un échec, ça serait un échec. J’ai pas du tout envie de retrouver, de retourner dans cette… dans cette boîte en fait, dans cette… dans une structure avec de la hiérarchie et tout ce que ça implique. Je suis pas quelqu’un dont l’esprit colle à tout ça donc ouais, ouais, ouais ça serait un échec mais peut-être qu’il faudra que je le fasse. Ça serait aussi… tu sais, on parle d’argent et c’est le point central de toute… de toute cette réflexion-là ; et ce qui en découle aussi, c’est que je sais que mon conjoint est parfois très inquiet, justement, sur la situation financière, et ça serait aussi le faire pour lui, pour que… Il m’en parle très très rarement parce qu’il sait que je suis quelqu’un de très angoissée et que s’il commence à m’en parler, je… je vais dévisser, je vais pleurer, ça va être la catastrophe dans ma tête. Il fait très attention par rapport à ça, mais je sais que je lui apporterais beaucoup de sérénité en étant plus stable. Donc j’ai aussi envie de le faire pour lui, pour qu’on puisse un peu plus respirer dans les années à venir.  

(MARIE)

Je te propose de passer aux questions de conclusion ; la 1ère : si je te demande de me raconter ton pire moment dans ta vie de Maman Bosse, une anecdote ou un moment qui t’a marquée, à quoi tu penses ? 

 

(PAULE)

Je sais pas si je réponds bien à la question, mais mon pire moment, le pire moment pour moi c’est… pardon, je bafouille, parce que je sais pas trop comment le raconter, mais en fait – c’est pour ça que j’ai aussi quitté l’agence dont je te parlais tout à l’heure après mon 2ème congé maternité -, c’est que j’ai eu du harcèlement moral, et un jour, je me suis retrouvée dans le bureau de ma big boss, j’étais enceinte de mon Lulu à l’époque, et elle m’a demandé de… elle voulait que je mente à notre client, en lui disant que je sortais d’un… d’un budget de… j’arrêtais de travailler pour ce client-là, parce que j’étais enceinte et que comme j’allais partir en congé maternité, il fallait bien me remplacer. Or c’était pas du tout l’explication de ce choix et du coup j’ai refusé de… de mettre cette, comment dire… cette décision sur ma grossesse. Je lui dis : “non, ça n’a rien à voir avec ma grossesse, donc je dirai pas, pour vous arranger, que c’est la raison”. Et… et voilà, et cette femme, à ce moment-là, a pété un plomb et elle m’a dit que j’arriverais à rien dans la vie. Je suis quelqu’un de hyper émotif en plus donc je me suis mise à pleurer en criant en même temps, je lui hurlais dessus, elle m’a hurlé dessus, tout le monde a entendu, c’était très humiliant comme moment. Donc je suis sortie de son bureau en claquant la porte, mais… ça me hante encore un peu, 10 ans plus tard, ce “t’arrivera à rien dans la vie”. Ouah ! ça m’a fait très très mal.

 

(MARIE) 

Et alors, à l’inverse : ton meilleur moment dans ta vie de Maman Bosse ?

 

(PAULE) 

Alors c’est très marrant que cette interview – qu’on a dans les tuyaux toi et moi depuis plusieurs mois – arrive maintenant parce que si tu m’avais interviewée il y a 10 jours, j’aurais pas su quoi te répondre ; et je t’ai parlé de ma mission actuelle qui s’avère être un peu ma revanche parce que je suis en mission dans cette agence que j’ai quittée il y a 10 ans. J’ai eu tellement peur d’y retourner, c’était terrible. Et puis je me suis dit : “Bon bah c’est… faut y aller, c’est un signe du destin.” Je travaille pour un client pour lequel il faut aller très très vite, avec beaucoup de pression. Donc ces dernières semaines, ça a été physiquement et psychologiquement très très très très très dur. La semaine dernière, j’ai fini par craquer, j’en pouvais plus. J’ai… j’ai appelé mon Big Boss en lui disant : “j’en ai ras-le-bol”. Je lui ai parlé avec plein plein de gros mots, j’étais hyper en colère, je lui ai dit : “Je suis fatiguée, j’y arrive plus, j’en peux plus, c’est horrible”, bref. Et tout ça pour te dire que le lendemain, donc samedi dernier, il m’a fait livrer des fleurs, un énorme bouquet, énorme, énorme, énorme et avec un mot de remerciement pour mon travail. Et c’est la première fois en 17 ans de carrière qu’on me remercie pour mon travail. Et ça m’a bouleversée. Je me suis dit : “Bon”. Peut-être que, tu vois, ta 1ère question et la 2ème se répondent en fait : dans cette même agence, j’ai pu être traitée vraiment extrêmement mal et je suis tombée sur quelqu’un d’autre de beaucoup plus à l’écoute et qui m’a dit “merci” et ça franchement, je… j’en suis très fière. Et puis j’ai… j’ai fui, j’ai fui beaucoup de choses en 10 ans et j’analyse pas encore très bien cette conclusion de… de ce bouquet de fleurs, là ; ce… je pense que c’est pas un point final, c’est peut-être juste un point-virgule, mais qu’une page va se tourner et que ça me permettra probablement… Tu sais, la boucle est bouclée avec tout ce qu’on se raconte là depuis le début, que peut-être que je serais plus sereine de… si j’acceptais un CDI ? Mais pour l’instant je l’ai pas encore assez analysé dans mon esprit donc je ne sais pas mais, ouais, ce “merci” va probablement me faire voir les choses très différemment. 

 

(MARIE) 

Et la toute dernière question : si tu devais donner un conseil à la jeune femme que tu étais en début de carrière, ce serait quoi ? 

 

(PAULE)

On m’a toujours reproché d’être trop émotive. J’ai pleuré, je pense, dans toutes les agences dans lesquelles je suis passée ; de fatigue, de rage, de déception, de machin… J’ai toujours pensé que c’était une faiblesse, mais je crois aujourd’hui que c’en n’est pas tant une que ça et si je devais revenir en arrière et parler à la… à la trentenaire que j’étais, je lui dirais : ”arrête de te dévaloriser et c’est pas grave si tu pleures, c’est déjà une façon d’extérioriser”. Voilà. Que les gens, peut-être, jugent, mais qui, en tout cas, n’est pas grave. Et ne pense pas, ouais, ne pense pas que tu es faible : c’est faux. 

 

(MARIE)

Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. Je vous invite à découvrir l’univers coloré et créatif de Paule sur son compte Instagram bypaulette, et quitte à être sur Instagram, passez aussi me faire un coucou sur le compte Maman Bosse – Le Podcast pour me dire ce que vous avez pensé de l’épisode. 

Je vous dis “à très vite” pour un nouvel épisode et d’ici là… Maman bosse !



Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous faire découvrir le parcours de Paule. Maman de 2 enfants de bientôt 13 et 10 ans, elle travaille dans le monde de la communication et de la publicité depuis 17 ans. Diplômée d’une école de commerce, elle intègre une prestigieuse agence de communication alors qu’elle est enceinte de son premier enfant.

À son retour de congé maternité, Paule est plongée dans un ouragan entre sa nouvelle vie de maman et son poste qui lui demande beaucoup d’investissement. C’est à ce moment-là qu’elle prend ce qu’elle appelle sa première claque professionnelle : comment concilier vie pro et vie perso quand on bosse dans la com’ ?

Pour se prouver et prouver aux autres qu’elle en est capable, Paule s’investit à fond sans compter ses heures, et ce malgré les remarques désobligeantes du fait d’être mère. Mais c’est à l’arrivée de son deuxième enfant que Paule réalise que le monde de la communication et la maternité ne font pas bon

ménage. Ce constat amer la pousse à quitter son poste en CDI. Paule devient alors free-lance dans la com’, un statut avec ses avantages et ses inconvénients…

Je laisse écouter le témoignage fort de Paule du blog et du compte By Paulette.

Le conseil de Paule

On m’a toujours reproché d’être trop émotive. Au boulot, j’ai pleuré de fatigue, de rage et de déception.

J’ai toujours pensé que c’était un signe de faiblesse, mais je pense que ce n’en est justement pas une. Arrête de te dévaloriser, c’est pas grave si tu pleures. Ne pense pas que tu es faible, c’est faux ! (c’est même tout le contraire)

1 réflexion sur “Une carrière dans la communication : entre peur et envie de liberté”

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