Mon interview dans la lettre de la joie d’Elia, du compte Cotidiane

Pour la douzième édition de son info lettre, Elia du compte Cotidiane, m’a posée quelques questions pour explorer ensemble le sujet carrière & maternité. 

Une interview écrite dans laquelle je raconte mon parcours, mon projet avec Maman Bosse et mes réflexions personnelles.

interview dans la newsletter de cotidiane

Peux-tu te présenter en quelques lignes ? Comment ton projet est né ?

Je m’appelle Marie, je suis la créatrice du podcast Maman Bosse qui questionne les trajectoires professionnelles des mères.

Je podcaste (la nuit) et je bosse (le jour) dans l’informatique. J’ai deux enfants et quand je résume mon parcours de maman bosse, je dis souvent “deux enfants, deux démissions”… ça plante le décor !

Ce projet est évidemment le fruit de mon propre parcours.

En devenant mère j’ai eu le sentiment, pour la première fois de ma vie, de faire l’expérience de la minorité. C’est en particulier dans le monde du travail que j’ai eu ce sentiment. Une des premières situations qui m’a frappée et celle d’une proposition denouveau poste, qui nécessitait des déplacements. Quelques mois auparavant on m’aurait proposé ce poste spontanément, mais maintenant que j’étais devenue mère, on ne m’en a tout simplement pas parlé. On avait décidé pour moi qu’un poste avec des déplacements n’était pas compatible avec ma nouvelle vie de famille (spoiler alert : je suis quand même allée chercher le

poste).

Avance rapide sur ma carrière : fin des années 2010, alors que je suis mère depuis presque dix ans, j’ai l’impression que les choses n’ont pas évolué. Alors j’ai eu envie de faire quelque chose de ma propre expérience, de la mettre au service des autres…

En parallèle, je suis quelqu’un qui a toujours aimé les histoires (les lire d’abord puis les écouter). Au départ j’ai eu envie d’ouvrir un blog, puis finalement j’ai choisi le podcast car j’étais intéressée par la dimension technique.

Tout ça mis bout à bout : j’ai commencé à travailler sur le projet à l’automne 2019 et le premier épisode a été mis en ligne en mars 2020.

De la somme de tes échanges pour le podcast, que retiens-tu ?

Mon postulat de départ à la création du projet était : « la maternité impacte la trajectoire professionnelle des femmes” et l’objectif était de mettre cela en évidence, à travers des expériences de vie, et de comprendre

comment et pourquoi un tel impact.

Chaque épisode me conforte dans cette conviction que la maternité impacte la carrière des femmes. De façon plus ou moins forte, plus ou moins rapide, mais l’impact est toujours présent.

L’autre enseignement c’est que les femmes ne sont pas informées, ni préparées à ça. Personne, à aucun moment, ne nous informe sur ce sujet : c’est ce que j’essaie de faire à ma petite échelle. Le résultat et l’impact sur la carrière ne sera peut-être pas différent, mais une femme informée fait des choix éclairés

et ça change tout !

Je retiens aussi l’importance de la place de la sphère personnelle dans nos choix professionnels. Dire que notre vie familiale n’est pas un critère dans l’orientation de nos carrières serait se voiler la face : évidemment on tient compte de nos enfants et de nos contraintes dans nos choix. Par contre je pense que c’est l’importance de ce critère qu’il faut questionner. Trop souvent les mères le mettent en première position, alors que des hommes le prennent en considération dans un second temps (ce qui ne veut pas dire qu’ils écartent le sujet, simplement ce paramètre est mis au même plan que la rémunération ou les responsabilités par exemple).

C’est un piège et une erreur fréquente. Se dire “je ne peux pas changer de poste, c’est impossible avec mes enfants en bas âge” c’est s’épargner une réflexion de fond et se poser les questions sur : qu’est-ce qui compte pour moi dans mon travail ? Qu’est-ce qui m’apporte de l’épanouissement intellectuel ? Est-ce que ma rémunération me satisfait ? Est-ce que j’ai envie d’avoir plus de responsabilités ?

Or je pense que ces questions sont importantes et que les mères ne doivent pas les balayer au titre de la maternité.

Dernière leçon que je retire, un peu contradictoire avec ce que je viens d’écrire (et c’est bien là toute la complexité et l’intérêt du sujet) : les mères sont capables de déployer une énergie unique pour réaliser leurs projets. La maternité est souvent une révélation sur le plan personnel, mais aussi dans nos compétences et nos aptitudes. Nos capacités d’adaptation, d’organisation, la remise en cause de nos croyances… les lignes bougent avec la maternité et ce mouvement nous donne une envie et une énergie incomparables pour réaliser nos projets. Moi par exemple, sans ma maternité, je n’aurais jamais créé Maman Bosse !

 

Le travail est un monde dans lequel la parentalité n’a pas (pas encore ?) sa place. Il faut être disponible comme si nous n’avions pas d’enfant. Est-ce pour cela qu’autant de femmes opèrent un changement d’orientation pro après l’arrivée d’un enfant (d’après toi) ?

Une femme qui opère une reconversion est une femme qui souhaite continuer à travailler, mais différement. Ce que j’observe souvent c’est que les femmes sortent du salariat, qui est une forme d’emploi contraignante, en termes d’horaire notamment. Mais l’entrepreneuriat n’est pas selon moi une formule magique, une réponse parfaite et idéale à la question de la contrainte horaire.

J‘ai réalisé un épisode dans la première saison, Bonus 6 – Sociologie des Mompreneurs, Entreprendre pour concilier travail et famille – Entretien avec Julie Landour, qui est sociologue spécialiste du travail des indépendants qui a consacré sa thèse aux “mumpreneurs”. Son approche universitaire et scientifique bouscule les clichés sur le sujet et l’image des entrepreneures véhiculée sur les réseaux sociaux. Les entrepreneurs travaillent en moyenne plus que les salariés pour atteindre les mêmes revenus, les femmes qui se tournent vers l’entrepreneuriat renoncent souvent à leur rémunération… Vraiment ça a été un échange très éclairant pour moi !

Il faut être honnête avec son “moi professionnel” et ne pas renoncer à tout ce qui comptait pour vous avant d’être mère. Il faut faire une reconversion pour de “bonnes raisons” et je ne suis pas sûre que la maternité, seule, soit une bonne raison.

Je pense qu’il est important de ne pas rester seule avec ces questions. Il faut échanger, partager, rejoindre des cercles professionnels ou se faire accompagner pour prendre de la hauteur et être au clair sur son projet et ses motivations profondes.

Je n’arrive pas à trancher la question, cette réorientation professionnelle, c’est une forme d’empowerment des mères ? Une façon de contourner le plafond de verre patriarcal très présent dans le monde du travail ? ou est- ce une nouvelle façon de se conformer aux attentes de la société : avoir un travail sans délaisser la charge domestique et le travail du care ?

C’est une question que je n’ai moi-même pas tranchée… et après deux ans d’épisodes je crois qu’il n’y a pas de réponse ! (désolée pour la déception !).

En ce qui concerne le salariat en entreprise, je suis désormais convaincue que ce n’est pas en quittant les entreprises que les femmes feront bouger les lignes. Si ce ne sont pas les femmes qui mènent ce combat, qui le fera pour elles ?

Je crois au changement de l’intérieur, je crois que faire carrière en entreprise c’est possible : c’est difficile, c’est exigeant mais c’est possible.

La question des horaires est souvent celle qui cristallise les difficultés.

Pareil pour les jours enfants malades : ça concerne majoritairement les enfants petits, ça ne dure pas toujours. Et si on a à ses côtés un co-parent : on partage. Les jours enfants malades ça se prend à tour de rôle, sans négociation possible ! Il n’y a aucune raison que ce soit systématiquement la mère qui ait ce rôle. Et ça, c’est aux femmes de porter ce sujet avec leur conjoint et d’être strictes là-dessus : on se met d’accord une bonne fois pour toutes et on ne revient jamais sur ça (on s’interdit les phrases du style “non mais t’inquiète je vais me débrouiller pour cette fois… ») .

Donc évidemment il y a une forme d’empowerment dans ce sujet, qui commence déjà au sein de sa famille, sous son propre toit.

Cela va bientôt faire deux ans de podcast Maman Bosse, qu’en retires-tu ? Sens-tu une évolution dans ta réflexion ?

Plus j’avance dans Maman Bosse moins je crois à l’universalité du sujet carrière et maternité. Je m’explique : la gestion de nos carrières est un sujet aussi personnel (voire intime) que la maternité.

Je pense qu’il faut respecter les choix de chaque femme, sans jugement et sans critique, quels qu’ils soient. Ce qui ne veut pas dire que je cautionne le plafond de verre, ni le patriarcat qui sont des réalités du monde professionnel que je combats.

Mais nous devons aussi, par exemple, respecter le choix d’une femme qui refuse de prendre des responsabilités au nom de ses contraintes personnelles. Ce qui compte pour moi c’est que ce soit son propre choix, qu’elle prenne cette décision en pleine conscience des enjeux à court, moyen et long termes – et évidement que ce ne soit pas un choix par défaut ou pire, imposé par son statut de femme ou de mère.

L’autre dimension c’est celle de l’argent. Plus j’avance dans les épisodes, plus je sens combien la question du rapport des femmes à l’argent est centrale.

C’est un sujet extrêmement personnel (voire intime, encore !) et il est déterminant.

Je l’ai effleuré dans certains épisodes mais pas abordé de façon profonde. Sans doute parce que moi-même je suis peu à l’aise du sujet, je n’y connais rien, ça ne m’intéresse pas tellement… je suis presque un stéréotype en la matière ! Et du coup je me rends bien compte que j’esquive ce type de questions dans mes

entretiens.

J’ai adoré le podcast Rends l’argent de Titou Lecoq sur la question de l’argent dans le couple. Je pense que c’est un axe que je développerai dans le podcast car c’est un sujet sur lequel je me questionne beaucoup moi-même.

Sur ces belles paroles riches et motivantes, je vous souhaite une belle journée !

Qui est Elia ?

Je suis Elia, derrière le compte Cotidiane sur les réseaux. Depuis plusieurs années, je crée du contenu sur mon blog ou instagram. Il est vrai qu’instagram a très largement pris le dessus à la suite des confinements successifs.

Je suis lectrice, mère de deux enfants et féministe. Un joli combo. Depuis le mois de mars, je crée une infolettre qui aborde la maternité sous un angle féministe (ou le féminisme sous l’angle de la maternité) pour politiser la parole de mère et donner à voir à notre rôle politique et social en dehors de ce à quoi nous sommes bien souvent restreintes. Le tout saupoudré de lecture.

L’infolettre mélange donc littérature, féminisme et maternité. Cela me tient à cœur car je pense vraiment que la littérature est un vecteur de représentation duquel on peut s’inspirer ou se détacher

Pour cette infolettre comme pour mon contenu, je souhaite contribuer à mettre en lumière la littérature autour de la maternité. C’est un travail littéraire et politique. Comment peut-il y avoir si peu de place à la maternité dans notre littérature quand c’est un sujet si commun ?

J’ai débuté ce travail à la fin de mon congé maternité et durant mon congé parental. C’est quelque chose qui me plait énormément et que j’ai envie de poursuivre. J’ai donc décidé de réduire mon temps de travail pour y consacrer davantage de temps seulement cela n’est pas rémunéré.